
Passionnément blues
Pourquoi avoir choisi d’écrire sur les musiciens du Mississipi des années 30 ?
J’ai créé en 2010 un festival open-air de blues en Suisse avec mon ami Vincent Delsuphexe. « Moon Lake » est nourri par ma passion des musiques afro-américaines, et du blues en particulier. Au fil de son écriture, j’explore toute la mythologie fondatrice du blues, ses légendes, ses croyances, ses figures imposées, ses racines, son héritage. Je me plonge dans les problématiques du passé qui l’ont fait naître, le racisme, la pauvreté, les inégalités sociales, l’exploitation des plus pauvres par une classe dominante, mais aussi l’alcoolisme, ou les violences faites aux femmes. Des problématiques toujours bien actuelles. Sur les rives de ce petit lac en forme de croissant de lune, j’explore aussi la poésie rurale et macabre de ce style musical plus que centenaire, ses superstitions, ses croyances, notamment le vaudou, et les âmes qu’on vend au diable contre un peu de talent. J’y exorcise enfin quelques douleurs personnelles, le souvenir d’un père parti trop tôt et des violences domestiques, car cette musique, le blues, est un merveilleux exutoire de nos peines.
Écrivez-vous tous les jours ? Et quoi ? Des chansons, de la musique, un autre roman?
Je n’écris pas tous les jours, mais presque ! Des chroniques, des critiques, des articles, des textes rimés… Je griffonne aussi un peu partout des idées que j’aimerais développer plus tard … dans ma tête en ce moment, il y a deux autres romans, une bande dessinée et une comédie musicale !
Il y a parfois une ambiance à la William Faulkner dans votre roman Moon Lake, les écrivains américains du Sud vous ont-ils inspiré pour écrire Moon Lake ?
Ce roman est évidemment le reflet de mes inspirations littéraires. Si Tennessee Williams a réellement passé une partie de son enfance sur les rives du Moon Lake, et l’évoque dans plusieurs de ses œuvres, tout comme William Faulkner, c’est plutôt Francis Scott Fitzgerald et ses « Enfants du Jazz » qui m’ont inspiré ici, ou encore les classiques contemporains de Stephen King comme « La Ligne Verte » ou « Cœurs Perdus en Atlantide ».
Qui sont vos auteurs préférés ?
Francis Scott Fitzgerald et Stephen King, cités plus haut, mais aussi Ray Celestin, Dan Simmons, Fred Vargas, Jean D’Ormesson. Plus proche de nous, je suis conquis par les polars de Marie-Christine Horn et j’ai beaucoup aimé le premier roman de Rafaël Wolf, “La Prophétie des Cendres”.
Comment avez-vous « trouvé” votre personnage principal, Léonard Washington, un musicien pauvre, qui vit loin des grandes villes et rêve de faire une brillante carrière ?

Nous avons accueilli à Crissier en 2014, pour sa première européenne, un “jeune” bluesman de 82 ans, Léo Bud Welch, bûcheron à la retraite et ancien chanteur de gospel, qui venait de sortir son premier album. Ce fut une rencontre incroyable. Je me souviendrai de Leo toute ma vie. Il est revenu jouer au Blues Rules en 2016 et est décédé en 2017. Le Leo du roman est un hommage à ce beau Leo-là.
Grâce à un QR Code introduit dans votre ouvrage, le lecteur pourra aussi écouter s’il le souhaite la bande son, très blues de Moon Lake, pourquoi avez- vous souhaité proposer cette expérience ?
Je suis un cinéphile, un cinéphage même ! J’ai une passion gourmande pour le cinéma !
J’avais aussi envie que cette passion puisse s’exprimer dans mon écriture, que ce soit à travers le découpage de mes scènes, certaines descriptions qui peuvent évoquer des mouvements de caméra, certains personnages, clins d’œil, ou encore les nombreuses scènes de dialogues, rythmées et enlevées. J’aime le côté impressionniste, expressionniste du cinéma, et j’essaye de l’exprimer à travers mon écriture, inspiré par le néoclassicisme de certains réalisateurs comme James Gray, Sam Mendes, Clint Eastwood, Michaël Mann, ou Bertrand Tavernier.
J’avais envie de proposer, comme pour un film, une “bande originale” pour accompagner le roman. J’ai demandé au musicien français Jynx de composer des morceaux originaux, qu’il a enregistrés en studio avec un micro des années 30. Ces compositions originales sont accompagnées de standards du blues évoqués dans le roman, et proposés ici dans leurs toutes premières versions enregistrées, dans les années 20 ou 30.
Imaginez vous d’autres prolongements artistiques de Moon Lake ?
En rêvant un peu, un disque de la bande originale, en vinyle évidemment ! Et si le roman marche bien, je rêverai d’une édition en poche. Visons un peu plus haut : une traduction en anglais pour que le roman puisse traverser l’Atlantique !
Enfin, comme j’aime parfois à le dire : “C’est taillé pour une adaptation en film ou en série !”
Souhaitez écrire une suite à Moon Lake ?
Moon Lake est le premier tome d’une trilogie de romans noirs qui explorera l’histoire de la musique afro-américaine. Le second volet devrait nous amener à la fin des années 50, en plein émergence de la “soul music”, et le troisième en 1978, avec l’avènement de la musique funk et les début du hip-hop. Bon il n’y a plus qu’à les écrire, aha !